mercredi 13 novembre 2013

Ma mie, de grâce, ne mettons...


Les Serments Indiscrets de Marivaux – Théâtre des 13 Vents
Mise en scène de Christophe Rauck

Il n'est pas évident, face à la pollution verbale qui nous entoure au quotidien, de soudainement s'asseoir confortablement et être prêt à recevoir la beauté de la langue de Marivaux. Cela nécessite un certain temps d'adaptation, supporter un peu le public scolaire qui n'y comprend pas grand-chose, leurs oreilles n'ayant pas été habituées à ce genre d'expression du français.
Marivaux, Marivaux... Un classique. Dépassé ? Comment mettre un texte classique au goût du jour ? C'est pourtant une recherche de l'amour véritable, c'est une confrontation aux traditions, c'est se connaître soi-même pour choisir la direction de nos vie, pour choisir l'autre, c'est la question de la liberté et de l'amour, voilà où nous entraîne cette pièce, avec une mise en scène remarquable !

En effet, c'est avec subtilité que Christophe Rauck allie tradition et modernité. Passant du costume d'époque à la vidéo, des chandelles aux jeans serrés, ici, au lieu de s'affronter, tradition et modernité dialoguent pour mieux se compléter. Il ne sert à rien d'en mettre plein la vue au spectateur. Le talent, la qualité d'une mise en scène, c'est savoir allier chaque élément avec subilité, c'est pouvoir confronter une caméra vidéo au XVIIIème et que cela y trouve son sens. Prenons le cas de la vidéo : trop souvent son utilisation s'avère inutile, n'apportant rien au spectacle. On l'utilise parce qu'il est de bon ton de faire moderne. Ce n'est pas que le cas dans Les Serments Indiscrets. Ici, elle souligne un fait : le propos de cette pièce est toujours d'actualité, bien qu'elle ait été écrite il y a plus de 250 ans.

Le rôle principal, celui de Lucile, interprété par Cécile Garcia Fogel, est celui d'une jeune fille ne sachant choisir entre le mariage et la soif de la liberté. Elle ne semble pas nous convaincre, au début tant sa diction est dérangeante. Il en tient sans doute à la volonté du metteur en scène de ne pas jouer cette pièce selon les conventions classiques. C'est une bonne initiative ! Lucile en devient agaçante, à mesure que tiraillée par ce choix à faire : la folie la guette ! Si agaçante qu'on ne peut qu'admettre que Cecila Garcia Fogel joue très bien son rôle. On peut souligner aussi les rôles plus secondaires, notamment les deux pères (Marc Susini et Alain Trétout), qu'il n'ait jamais aisé de jouer sans être éclipsé. Au contraire, les qualités d'interprétations sont ici répartie équitablement entre les comédiens, ce qui confère à la pièce une agréable homogénéité. Personne n'éclipse personne, tous au service du texte.

Un texte actuel, donc, mettant en relief les pressions sociales pesant sur les relations humaines. S'il est vrai que le mariage était, ces siècles passés, la tradition sociétale d'une relation entre un homme et une femme , de nos jours, une certaine interprétation de la liberté conduit à son extrême, à rejeter toute sorte d'attachement sentimental. Est-ce pour cela la voie du bonheur ? Que ce soit la quête de la liberté, ou la tradition qui rend les couples prisonniers de leur mariage, chaque extrême ne va-t-il pas à l'encontre de l'amour entre deux personnes ? Sous pretexte de liberté, doit-on réfreiner nos élans amoureux ? Doit-on se marier parce que ce sont les convenances ? C'est d'ailleurs avec justesse que nous entendons, entre deux tirades et un changement de décor, Brassens nous faire l'éloge de l'amour et la critique des conventions sociales, clin d'oeil à la tradition et à la modernité, qui s'allient ici pour un spectacle de qualité. 


La pièce nous mène ainsi, au fur et à mesure, à toutes ces interrogations, qu'il convient à chacun d'explorer. Pari réussi, s'il en était un, à Christophe Rauck, dont on sans ici l'influence du Théâtre du Soleil dans son interprétation de Marivaux. Il a su conserver la beauté du texte en lui donnant une expression vocale toute moderne – en cela, Olivier Werner, interprétant Damis, excelle ! Espérons continuer à faire vivre de cette manière nos classiques chez la jeunesse. Les temps changent, les interrogations subsistent : l'amour est une éternelle préoccupation.

Théâtre des 13 Vents - Montpellier
Du 12 au 16 novembre

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