Les Serments
Indiscrets de Marivaux –
Théâtre des 13 Vents
Mise
en scène de Christophe Rauck
Il
n'est pas évident, face à la pollution verbale qui nous entoure au
quotidien, de soudainement
s'asseoir confortablement et être prêt à recevoir la beauté de la
langue de Marivaux. Cela nécessite
un certain temps d'adaptation,
supporter un peu le public scolaire qui n'y comprend pas grand-chose,
leurs oreilles n'ayant pas été habituées à ce genre d'expression
du français.
Marivaux,
Marivaux... Un classique. Dépassé ? Comment mettre un texte
classique au goût du jour ? C'est pourtant une recherche
de l'amour véritable, c'est une confrontation aux traditions, c'est
se connaître soi-même pour choisir la direction de nos vie, pour
choisir l'autre, c'est la question de la liberté et de l'amour,
voilà où nous entraîne cette pièce, avec une mise en scène
remarquable !
En effet, c'est avec
subtilité que Christophe Rauck allie tradition et modernité.
Passant du costume d'époque à la vidéo, des chandelles aux jeans
serrés, ici, au lieu de s'affronter, tradition et modernité
dialoguent pour mieux se compléter. Il ne sert à rien d'en mettre
plein la vue au spectateur. Le talent, la qualité d'une mise en
scène, c'est savoir allier chaque élément avec subilité, c'est
pouvoir confronter une caméra vidéo au XVIIIème et que
cela y trouve son sens. Prenons le cas de la vidéo : trop
souvent son utilisation s'avère inutile, n'apportant rien au
spectacle. On l'utilise parce qu'il est de bon ton de faire moderne.
Ce n'est pas que le cas dans Les Serments Indiscrets. Ici,
elle souligne
un fait : le propos de cette pièce est toujours d'actualité,
bien qu'elle ait été écrite il y a plus de 250 ans.
Le
rôle principal, celui de Lucile, interprété par Cécile Garcia
Fogel, est celui d'une jeune fille ne sachant choisir entre le
mariage et la soif de la liberté. Elle ne semble pas nous
convaincre, au début tant sa diction est dérangeante. Il en tient
sans doute à la volonté du metteur en scène de ne pas jouer cette
pièce selon les conventions classiques. C'est une bonne initiative !
Lucile en devient agaçante, à mesure que tiraillée par ce choix à
faire : la folie la guette ! Si agaçante qu'on ne peut
qu'admettre que Cecila Garcia Fogel joue très bien son rôle. On
peut souligner aussi les rôles plus secondaires, notamment les deux
pères (Marc Susini et Alain Trétout), qu'il n'ait jamais aisé de
jouer sans être éclipsé. Au contraire, les qualités
d'interprétations sont ici répartie équitablement entre les
comédiens, ce qui confère à la pièce une agréable homogénéité.
Personne n'éclipse personne, tous au service du texte.
Un
texte actuel,
donc,
mettant en relief les pressions sociales pesant sur les relations
humaines. S'il est vrai que le mariage était, ces siècles passés,
la tradition sociétale d'une relation entre un homme et une femme ,
de nos jours, une certaine interprétation de la liberté conduit à
son extrême, à rejeter toute sorte d'attachement sentimental.
Est-ce pour cela la voie du bonheur ? Que ce soit la quête de
la liberté, ou la tradition qui rend les couples prisonniers de leur
mariage, chaque extrême ne va-t-il pas à l'encontre de l'amour
entre deux personnes ? Sous
pretexte de liberté, doit-on réfreiner nos élans amoureux ?
Doit-on se marier parce que ce
sont les convenances ?
C'est
d'ailleurs avec justesse que nous entendons, entre deux tirades et un
changement de décor, Brassens nous faire l'éloge de l'amour et la
critique des conventions sociales, clin d'oeil à la tradition et à
la modernité, qui s'allient ici pour un spectacle de qualité.
La
pièce nous mène ainsi,
au fur et à mesure, à toutes ces interrogations, qu'il convient à
chacun d'explorer. Pari
réussi, s'il en était un, à Christophe Rauck, dont on sans ici
l'influence du Théâtre du Soleil dans son interprétation de
Marivaux. Il a su conserver la beauté du texte en lui donnant une
expression vocale toute moderne – en cela, Olivier Werner,
interprétant Damis, excelle ! Espérons
continuer à faire vivre de
cette manière nos classiques
chez la jeunesse. Les temps
changent, les interrogations subsistent :
l'amour est une éternelle préoccupation.
Théâtre des 13 Vents - Montpellier
Du 12 au 16 novembre
Théâtre des 13 Vents - Montpellier
Du 12 au 16 novembre