samedi 27 avril 2013

Les 39 ans de la Révolution des Oeillets




 
Le cortège se rassemble doucement au début de l'Avenida da Liberdade
 Il fait beau et chaud en ce jeudi 25 avril 2013. Un temps idéal pour se prélasser au soleil. Les plages étaient bondées, entre calme bronzage et cris d'enfants. Ce 25 avril est un jour férié au Portugal, bien que peu de commerces soient effectivement fermés. Bon nombre d'employés, en ces temps de crise, travaillent tout de même. Sous prétexte de crise économique, les droits si durement acquis sont méthodiquement bafoués et mis de coté par les pouvoirs politiques.
Malgré tout, la longue fin de semaine qui se prépare est synonyme de courtes vacances pour une grande majorité, et nombreux sont les départs pour l'Algarve et les plages. Pourtant, ce jour férié n'est pas anodin. Ce n'est pas une fête religieuse, mais l'anniversaire de la Révolution des Oeillets.


Couple s'embrassant. A coté, une image de Salgueiro Maia


Ces oeillets ne poussèrent pas au milieu des grains de sable. Le 25 avril 1974, ils ont fleuri aux fusils de soldats révoltés, las du feu de la guerre, et de la nuit sombre du fascisme. Ils étaient la liberté partout dans les rues de Lisbonne et du Portugal. Coeur humble de la révolution naissante, l'oeillet rouge commençait alors à battre, mettant fin à une dictature grisâtre et moribonde. Le Portugal redécouvrait l'Histoire.
Ce fut une révolution incomparable. D'humbles militaires, hommes avant tout, choisirent humblement de mettre fin au régime qui opprimait leur pays. Se révoltant contre l'injustice, ils étaient conscients d'accomplir leur devoir en libérant le pays de la longue nuit dans laquelle il était plongé. Ils le firent pacifiquement, l'oeillet au canon. Rendons hommage à ces soldats, et rendons hommage également aux quatre hommes tués par la police politique, la PIDE, devant son siège. Le monstre hideux du fascisme, à terre, rendait là son dernier souffle. Plus tard dans la journée, les portes de prisons s'ouvraient, libérant les prisonniers politiques. Les journaux ne subissaient plus la censure. La peur s'était effacée, remplacée par la parole, la PAROLE, libre !



Trente-neuf ans plus tard, les commémorations du 25 avril résonnent au chant de Grandola Vila Morena. Toujours cet hymne, cette chanson de José Afonso, interdite par le régime, qui fut le coup d'envoi de la révolution. La dictature n'est plus, mais les revendications n'en sont pas moins légitimes. Et les oeillets fleurissent partout. Ils ne sont plus au canon des militaires mais à la poitrine des manifestants de tout âge, rappelant ce pour quoi il est encore important de se battre, et ce qu'il est essentiel de se souvenir. 

Jeune garçon tenant un oeillet rouge

Un oeillet au milieu de la foule

Car il est moins question ici d'action que de souvenir tant le défilé est consensuel. Oeillets et Grandola Vila Morena. Lentement, le cortège se rassemble au Marquês de Pombal, pour descendre ensuite dans le calme l'Avenida da Liberdade. C'est aussi une sortie de famille : les grands-parents, les enfants, les petits-enfants, arborant oeillets rouge, chantent la mémoire du 25 avril 1974. Le peuple portugais semble las, encore, défaitiste, abandonnant déjà, d'avance. Ca et là, les sans-papiers, les ouvriers, les professeurs, les retraités, les étudiants, les organisations politiques et même les policiers défilent avec leur syndicat. La passion semble laisser place à l'habitude. On manifeste par devoir presque plus que par envie.
 
Les ressortissants étrangers

Les retraités


Le cortège se réunit au Rossio pour le discours. Peu à peu, les souvenirs paraissent plus émouvant que la manifestation actuelle. Peut-être les gens sont-ils déçu de ne voir que si peu de foule autour d'eux. Fatigué, endolori, anesthésié, déçu par ses dirigeants, c'est affaibli que le peuple traîne ses souvenirs. « Il est difficile de travailler le ventre vide » interpelle un jeune couple au chômage. Mais n'est-il pas tout autant difficile de se révolter le ventre plein ? Quand peu à peu ses libertés lui sont ôtées, que reste-t-il au peuple, comme dignité, comme espoir, si ce n'est la capacité de l'homme, encore, toujours, à s'émouvoir ?

Fin du rassemblement, au Rosio


Tout semblait commencer, il y a 39 ans, quand, au Largo do Carmo, le Capitaine d'Avril Salgueiro Maia obtenait la reddition de Marcelo Caetano. Humble, simple, il le fit sans prétention, sans ambition. Il le fit par devoir pour son pays, et pour le peuple. Au milieu des rouges oeillets et de couplets de Grandola Vila Morena, il fut un grand absent des commémorations. Que faire des symboles, sans son action, qui fut celle de tous ces braves camarades, portés par le désir d'une vie possible ?

L'assemblée populaire au Largo do Carmo

Plaque commémorative en hommage au Capitaine d'Avril Salgueiro Maia



Nous sommes peut-être deux cents à l'assemblée populaire du 25 avril 2013, au Largo do Carmo. C'est peu. C'est déjà ça de souvenir. Il est presque 20h. La place se vide, des manifestants parlent du match du Benfica qui va bientôt commencer. Un repas et une projection, avec les moyens du bord, sont pourtant prévus suite aux prises de parole.
Une plaque discrète, face au siège de la Garde Nationale Républicaine, porte le nom de Salgueiro Maia. Des enfants disposent des oeillets rouges en une belle couronne autour de son nom. Enfin un peu d'émotion, quand l'évocation du souvenir transmet l'espoir.


Deux enfants disposant des oeillets en hommage à Salgueiro Maia

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